L’agriculture de conservation à Madagascar
En 2012, il est recensé environ 5000 ha gérés en AC par 8500 agriculteurs, indiquant ainsi un nombre important de parcelles de superficie limitée. Les surfaces les plus importantes se trouvent au Lac Alaotra (2000 ha) où les réalisations sont les plus anciennes, et dans la région du moyen ouest (1200 ha) qui présente une progression particulière liée à une certaine dynamique pionnière et à la disponibilité de surfaces. En outre, l’AC répond dans cette région aux fortes contraintes liées au Striga et à la faible fertilité des sols.
Les premiers tests de Semis direct sur Couverture Végétale permanente du sol (ou SCV) datent des années 1990 et se sont inspirés de l’expérience brésilienne (L. Séguy, CIRAD) pour répondre à la nécessaire modernisation des systèmes de production des céréales à grande échelle. Ils ont débuté sur les Hautes Terres (Antsirabe) avec la mise en place de sites de références ayant pour objectifs de créer et de maîtriser une gamme de systèmes SCV qui sont comparés au système traditionnel sur labour, en termes de performances techniques et économiques. Dans chaque grande zone agro-écologique, la variabilité des sols est encadrée et des niveaux d’intensification des cultures et d’intégration avec l’élevage variés y sont testés, ce qui permet de proposer une large gamme de systèmes, adaptés localement aux conditions agro-écologiques d’une zone, et parmi lesquels on peut choisir les systèmes les plus adaptés à une exploitation donnée.
Ces premiers travaux sur les techniques d’agriculture de conservation (AC) ont servi de référence pour l’élaboration de différents projets de développement rural. De fait, des projets d’envergure se sont basés sur ces techniques d’agriculture de conservation pour aborder dans un premier temps la protection et la mise en valeur des bassins versants des périmètres irrigués puis d’une manière générale, d’autres zones de développement rural.
L’Agriculture de Conservation cherche à imiter le fonctionnement de l’écosystème forestier qui est naturellement en équilibre. La mise en œuvre de l’AC repose sur trois principes de base de
- non travail du sol,
- couverture permanente du sol à l’aide de paillage ou plantes de couverture,
- associations et rotations de cultures avec des plantes de service.
C’est donc la quantité de biomasse produite qui assure la protection des sols, la lutte contre les mauvaises herbes et la régénération du sol. La biomasse provient des plantes de couverture, des résidus de récolte ou des deux types de couvertures en même temps. Les plantes de couverture, généralement des légumineuses, sont installées en même temps que la culture ou en relais à la culture principale pour assurer la production de biomasse essentielle à la constitution de la litière. Ainsi, la restitution au sol des résidus de récoltes et la lutte contre la divagation des animaux sont des facteurs clefs de constitution d’une bonne biomasse.
Les plantes de couverture aussi appelées « de service » ou « auxiliaires », sont généralement choisies selon leurs caractéristiques et fonctions. Elles peuvent assurer des fonctions écosystémiques variées comme la fixation d’azote atmosphérique, le décompactage des sols, le recyclage des éléments nutritifs (pompe biologique) grâce à des systèmes racinaires puissants, la répulsion ou le piégeage de bio-agresseurs, etc. Certaines espèces capables de croitre en saison sèche comme le Cajanus cajan, les crotalaires, l’Eleusine, … sont d’excellentes plantes de couverture qui aident efficacement à constituer une bonne biomasse et à lutter contre les mauvaises herbes. Des systèmes à base de Stylosanthes guianensis ont été mis au point dans toutes les zones agro-écologiques de Madagascar en dessous de 1200 m d’altitude et pour tous types de sols. Le stylosanthes conjugue les capacités de fixer de fortes quantités d’azote, de décompacter les sols, de contrôler les adventices (notamment le Striga, fléau des céréales dans la région du moyen ouest) et de servir comme affouragement partiel du bétail. Il permet notamment d’améliorer rapidement la fertilité des sols. Les systèmes de cultures basés sur le stylosanthes peuvent être appliqués dans le cadre d’une petite agriculture familiale manuelle à très faible niveau d’intrants, ou d’une agriculture intensive mécanisée. Ils peuvent être amorcés sur les sols les plus pauvres par une association avec du manioc, ou directement avec des céréales (riz, maïs) sur des sols plus riches ou avec un apport initial d’engrais. Les systèmes les plus simples à conduire sans intrants permettent une production de céréales tous les deux ans.
Ces initiatives de développement de l’AC s’inscrivent dans la politique nationale de développement rural. Il est important de citer en premier la Politique nationale de protection des bassins versants et des périmètres irrigués qui conditionne la réhabilitation des infrastructures en aval (barrage, canaux..) pour lesquels l’Etat Malgache a bénéficié d’importants soutiens de bailleurs de fonds, par la protection des bassins versants au moyen de l’agriculture de conservation. Par ailleurs, l’agriculture de conservation est inscrite dans le PNDR et le PADR.